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comment bien vieillir dans un pays à la démocratie galopante ?

L’Inde est à présent le pays le plus jeune du monde : la moitié de la population y est âgée de moins de 27 ans. Comment proposer une réponse à l’avancée en âge quand les seniors indiens sont largement minoritaires ?

Le modèle traditionnel de la famille indienne

La société indienne est particulièrement hiérarchisée et cloisonnée : castes, genre, âge, chacun a sa place, bien délimitée dès la naissance. Les membres aînés de la famille doivent être respectés : les jeunes ont pour habitude, lorsqu’ils saluent leurs grands-parents ou leurs parents, de toucher leurs pieds pour montrer leur soumission.
Traditionnellement, le modèle indien respecte celui de la famille élargie : jusqu’à trois ou quatre générations peuvent cohabiter sous le même toit. Les plus aisés acquièrent des maisons de plusieurs étages pour loger toute la famille. Encore aujourd’hui, accueillir chez soi des parents âgés est considéré comme une marque de richesse et de droiture. Il est même très mal vu de ne pas pouvoir subvenir à leurs besoins et de placer ses aînés en établissement spécialisé. Dans la famille indienne traditionnelle, la transmission et l’éducation sont souvent assurées par les grands-parents paternels, qui s’occupent de leurs petits-enfants pendant que les parents travaillent ou assurent l’entretien de la maison. On attend des femmes qu’elles quittent leur famille pour vivre avec celle de leur époux, d’où l’importance de la figure du fils en Inde. Beaucoup de personnes âgées refusent de vivre chez leurs filles, car seul le fils aîné peut accomplir le rituel funéraire à la mort de ses parents. En outre, les femmes âgées indiennes restent souvent isolées et délaissées par leur famille, alors qu’elles vivent plus longtemps que les hommes. De part en part, le modèle traditionnel indien se fissure et s’étiole.

L’émergence des familles nucléaires

Le modèle nucléaire en Inde est très récent. Alors que, traditionnellement, c’est l’homme qui quitte sa famille pour un emploi en ville ou à l’étranger, ce sont désormais des familles entières qui émigrent et désertent les campagnes, quittant les parents plus âgés, parfois sans ressources. En effet, difficile d’accueillir ses aînés dans un logement urbain et d’assurer leur subsistance, à moins d’avoir des moyens financiers importants.
D’autre part, les jeunes Indiens ont souvent des aspirations bien différentes de celles de leurs aînés : voyages, amis, travail, le modèle social a considérablement évolué ces dernières années. Même si le système de castes est resté un référentiel important, il est possible pour une personne appartenant à une caste inférieure d’obtenir un poste à haute responsabilité. De nouvelles opportunités naissent chaque jour en Inde, poussant les jeunes à se détacher du modèle familial traditionnel. L’écart générationnel s’est considérablement creusé depuis plusieurs années : un cinquième des seniors indiens vivent maintenant seuls ou avec leur conjoint, sans soutien de la part de leurs enfants, tout en étant confrontés à tous les problèmes de l’avancée en âge (maladies chroniques, neuro-dégénératives, handicap…). Autre problème : seuls 10% des travailleurs indiens bénéficient d’une retraite. Beaucoup de seniors continuent donc à travailler jusqu’à 80 ans et plus et 90% d’entre eux ne bénéficient pas de protection sociale.

Les initiatives pour soutenir les seniors indiens

Dès 2010, des activistes ont fondé un “lobby senior” pour alerter gouvernements et élus locaux sur la place des personnes âgées dans la société indienne : le All Indian Senior Citizens Confederation. En effet, les pouvoirs publics préfèrent soutenir la formation et l’insertion des jeunes sur le marché de l’emploi, plutôt que les soins en gériatrie et les solutions d’hébergement pour les personnes dépendantes. Depuis seulement une dizaine d’années, une loi permet aux seniors sans ressources d’exiger le soutien de leurs enfants. Mais en réalité, peu de parents portent plainte, méconnaissant leurs droits et préférant éviter la rupture familiale. Heureusement, quelques solutions d’hébergement privé émergent dans certains Etats, où des soins médicaux et des aides au quotidien sont assurés par des professionnels de santé. Il existe aussi des structures associatives qui viennent en aide aux seniors les plus démunis. C’est le cas d’un village de seniors près de Pondichéry, fondé et autogéré par une poignée de personnes âgées. Ce lieu de vie indépendant peut accueillir jusqu’à 100 résidents, dont la moitié sont actifs, pour soutenir les plus fragiles. Le comité des anciens est élu démocratiquement et assure la gestion des lieux, leur entretien, le budget commun… Isolés dans une région pauvre, certains résidents se forment à la gériatrie et aux soins palliatifs afin d’assurer la dignité des plus âgés. Le village est soutenu par l’organisme HelpAge India, qui compte exporter et promouvoir ce concept dans d’autres Etats indiens.

Pour aller plus loin

Indian Palace et Suite Royale : deux comédies britanniques qui racontent les aventures de retraités anglais qui s’installent en Inde.
Compartiment pour dames : un récit initiatique où dialoguent plusieurs femmes indiennes de tous âges.